Le plus drôle, c’est mon oncle Henri!
Voici le texte que j’ai lu lors de la célébration en hommage et à la mémoire de mon oncle Henri Ouellet à Trois-Pistoles le 2 novembre 2013.
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« Je gagnai les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu’elle avait à enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n’avais pas vécu.
Je ne voulais pas vivre ce qui n’était pas la vie, la vie est si chère; plus que ne voulais pratiquer la résignation, s’il n’était tout à fait nécessaire. Ce qu’il me fallait, c’était vivre abondamment, sucer toute la moelle de la vie, vivre assez résolument, assez en Spartiate, pour mettre en déroute tout ce qui n’était pas la vie ».
Henri David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois
Ces mots de Henri David Thoreau représentent bien ce Grand Monsieur qui s’est éteint le 28 octobre 2013, vers 6h30 du matin à l’hôpital de Rimouski.
Bien oui, c’est de toi qu’on parle là, cher mon oncle Henri!
Que tu m’as fait rire! Que tu m’as gâté! Que d’histoires à raconter!
D’aussi creux que je fouille dans ma mémoire, tu es là.
Tiens, un premier souvenir…
Je me souviens du temps où tu nous faisais faire des tours de skidoo dans les champs et les boisés autour de ta maison de la rue Rousseau à Beloeil, là où aujourd’hui le quartier résidentiel a pris le dessus. Ça ne date pas d’hier, je devais avoir 3-4 ans. Je me souviens même d’avoir passé quelques jours chez toi avec mes béquilles. J’avais 4 ans.
Ah! Cette maison à Beloeil où tu m’as accueilli si souvent, notamment pendant le temps des Fêtes! On y a tellement eu de plaisir avec toi, avec ma tante Gertrude, mon cousin le “p’tit” Henri et ma cousine Nathalie.
Je dis le “p’tit” Henri parce que toi, on t’appelle le “gros” Henri. Pourtant, tu n’es même pas gros!
Je me questionnais ces derniers jours à savoir ça avait commencé quand donc cette tradition de m’inviter entre Noël et le Jour de l’An? Je pense que ça a toujours existé. On se voyait le 25 décembre chez Nany et à chaque année tu venais me trouver et me dire «Bon! J’ai fait pas mal d’over-time, j’ai mis de l’argent de côté et j’en ai assez pour te recevoir encore cette année!» Et ça a duré longtemps cette tradition du temps des fêtes puisque je me souviens y être allé avec ma blonde Carole qui allait devenir ma femme (et qui l’est encore). J’avais alors 17 ans.
Parlons un peu de nourriture. Qui n’a jamais goûté aux légendaires patates rôties de mon oncle Henri? Nombreux sont les enfants de la famille qui s’en sont régalées – dans mon cas, gavé! Tu nous tranchais ça parfois mince comme des chips et nous en faisais jusqu’à ce qu’on te dise qu’on avait plus faim. Vous souvenez-vous des toasts sur le poêle de mon oncle Henri? Avec du beurre! Surtout pas de margarine! La bonne soupe aux légumes faite avec le deuxième bouillon! Les binnes à mon oncle Henri avec du lard! Le baloné rôti que nous ne mangions que chez toi! Le soir venu, nous descendions au sous-sol, tu allais alors fendre quelques bûches dans ton garage et tu allumais un feu dans le foyer ou encore tu chauffais le poèle-à-bois et ma tante nous garnissait un plateau de ses petites pâtisseries. Nous nous installions alors devant la télévision pour écouter Soirée canadienne! À table, où chacun avait son couvert, ma place était bien évidente puisque tu y mettais un gros bol à salade, ou bien la soupière et des ustensiles format géant!
«Bout d’… que tu manges! Tu vas me ruiner!», me disais-tu en riant!
Tu aimais tellement ça me taquiner avec tes expressions si colorées. Mais il faut le dire, parfois je mangeais non pas comme un cheval, mais bien comme deux!
Au chalet à St-Simon, nous avons eu aussi notre part de bons moments. Des marches ici et là et tu nous pointais les meilleurs talles de framboises ou bien tu me disais «goûte à ça» en tirant quelque chose du sol ou d’un arbre. Je me souviens même d’une petite marche aux champignons et cette fois, c’est moi qui t’en montrait. Les enfants se souviennent des feux de mon oncle Henri et des bâtons sur lesquels ils enfilaient une saucisse et des guimauves.
Diminué par la maladie, mais toujours vaillant. Tu es devenu un colosse aux pieds d’argile.
Notre existence, bien qu’éphémère en apparence, porte pourtant en elle son germe d’éternité; c’est le fait d’avoir été, de l’avoir vécu. Notre passage sur Terre est en effet une étincelle, une fraction de seconde qui file tout en laissant une trace dans l’inachevé.
Profond mystère que celui de notre vie; les jours passent et le temps coule comme ce Fleuve que tu aimes tant, qui vient caresser les berges au gré de ses marées en leurs sculptant une forme nouvelle.
Toi tu regardes le soleil se coucher et cet instant se fixe et grave en l’infini un souvenir plus durable que certains mots qu’on coule dans le bronze.
« Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été, a écrit Vladimir Jankelevich ; désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir vécu est son viatique pour l’éternité. »
Bravo mon oncle Henri!
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Voici les mots qu’il nous a lui-même laissés en héritage :
«Parents bien-aimés et amis si chers, je demeure présent en vos coeurs et je vous demande de rester dans la joie. Je vous laisse mon humour en héritage. Je parlais peu, mais je pense vous avoir prouvé mon affection et mon dévouement par des actes. J’ai rejoint mon Dieu d’amour et je lui demande de vous accompagner tout au long de votre vie.»
Henri Ouellet
Merci Serge pour ce partage. Un texte senti et profond d’affection et de tendresse