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Auteur/autrice : Serge Cazelais

Jovanovic et les textes de Nag Hammadi

Quelqu’un m’interpelle au sujet des prédictions de Pierre Jovanovic. J’avoue que je m’intéresse peu à ce qu’il fait et à ce qu’il dit et écrit sur son site web. Mais bon, je ne demande qu’à être convaincu. J’ai l’esprit assez ouvert lorsque quelqu’un me poste un vidéo ou un article pour le lire. Mais bien souvent, avec Jovanovic, je reste sur ma faim.

Cela dit, je me suis intéressé à l’édition en deux tomes des textes de Nag Hammadi publiée par sa maison d’édition Le jardin des livres (sous le titre : Les manuscrits de Nag Hammadi). De ça, je peux bien dire un mot.

Sur le coup, ça semble une bonne édition, bien savante. Le nom qui paraît sur la couverture est celui de James M. Robinson! Ça impressionne! Le professeur Robinson est en effet le pionnier de la recherche sur les textes de Nag Hammadi. Professeur émérite à Claremont Graduate University. Détenteur d’un doctorat honoris causa de l’Université Laval. Un homme remarquable que je connais bien en plus (photo 1 et photo 2) – mais bon, le point n’est pas là. Le problème des volumes en question n’est donc pas le nom de l’auteur qui apparait sur la couverture. Le problème vient plutôt de la traduction française. Il faut en effet savoir d’une part qu’il ne s’agit pas d’une traduction de première mains des textes de Nag Hammadi faite sur le copte. C’est une traduction de traduction, faite à partir de l’anglais. Le volume original a en effet été publié en anglais sous le titre The Nag Hammadi Library in English. Cette édition, plusieurs fois réédité et qui a rendu de fiers services est cependant désuète. Les traductions anglaises des textes de Nag Hammadi parues dans ce volume sont désormais toutes disponibles en ligne (gratuitement) sur le site web de la Gnostic Society. C’est ainsi inutile de l’acheter. Elle ne bénéficie pas des 35 dernières années de recherche sur les textes de Nag Hammadi, et surtout sur la grammaire et la syntaxe des dialectes de la langue copte. Cette bonne vieille édition a ainsi été remplacée (en 2009) par une édition anglaise plus récente publiée sous la direction du défunt Marvin Meyer et à laquelle a collaboré James M. Robinson, ainsi que Wolf-Peter Funk (Université Laval), Paul-Hubert Poirier (Université Laval) et Elaine Pagel (Princeton University) : The Nag Hammadi Scriptures. Si vous voulez une bonne traduction anglaise à jour et pas chère. c’est cette dernière qu’il faut acheter.

La question que je me pose au sujet de la traduction française publiée par la maison d’édition de Pierre Jovanovic est la suivante : Quel est l’intérêt de publier la traduction française d’une traduction anglaise de textes coptes? Pourquoi aussi avoir choisi de traduire une traduction anglaise désuète et accessible gratuitement en ligne? Pourquoi ne pas avoir demandé à des chercheurs qui savent lire le copte de produire une traduction originale plutôt que de traduire une traduction anglaise qui n’est plus à jour? Est-ce que le grand public est bien servi? De plus, le volume anglais plus récent coûte $19.75 chez Amazon.ca (en date du 18 février 2013). Les deux volumes du Jardin des livres coûtent 21 euros chacun… Ça fait un peu plus de $56 (en date du 18 février 2013). Et c’est une traduction française faite sur une traduction anglaise (qui est dépassée, ne l’oublions pas). C’est un pensez-y bien. Moi, en tout cas, je ne suis pas preneur. Pas à cause du prix, mais parce que c’est une traduction de secondes mains qui n’est pas faite directement sur le copte. J’ai examiné ces volumes en librairie et en bibliothèque et c’est très mauvais. Les traducteurs français ne comprennent souvent pas ce qu’ils traduisent de l’anglais. Le vocabulaire technique de la gnose est parfois bien nébuleux et confus. Impossible, notamment, de s’y fier pour une étude de détails. Je ne recommande donc pas de faire l’acquisition de ces volumes. (NB : Ne me demandez pas des exemples de traductions nébuleuses, je n’en donnerai pas sur mon blog, ni par courriel, mais si vous voulez, invitez-moi, payez-moi un verre, on sort les livres d’une bibliothèque et on regarde ça.)

Mais, me dira-t-on, je suis nul en anglais et je veux lire les textes de Nag Hammadi en français. Alors là gardez vos sous et lisez-les (gratuitement) en ligne sur le site de la Bibliothèque copte de l’Université Laval. Inutile de dépenser $56. Vous pouvez aussi vous procurer les fascicules qui sont publiés aux Presses de l’Université Laval. C’est cher, certes, mais ça vaut la peine si vous voulez être sérieux dans vos recherches. Autre alternative, procurez-vous la traduction française de l’ensemble des textes de Nag Hammadi publiée chez Gallimard dans la collection Bibliothèque de la Pléiade sous le titre Écrits gnostiques.

Je vous laisse tirer vos propres conclusions.

 

Renonciation du Pape et le droit canon

On lit toute sorte de choses sur les réseaux sociaux. Mieux vaut se renseigner un peu avant de porter un jugement dans un sens ou dans l’autre (non pas sur l’homme) mais sur l’événement.

Le Code de Droit Canonique de l’Église Catholique prévoit la chose.

Livre II Can. 332 -§ 2. S’il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu’elle soit dûment manifestée, mais non pas qu’elle soit acceptée par qui que ce soit.

Détails dans le Magazine La Vie : Démission du Pape : ce que dit le droit canon.

Benoît XVI écrivait en 2010 dans son livre Lumière du monde : « Si un pape se rend compte clairement qu’il n’est plus capable, physiquement, psychologiquement et spirituellement, d’accomplir les tâches inhérentes à sa fonction, alors il a le droit et, dans certaines circonstances l’obligation, de démissionner.» Le Nouvel Observateur en avait fait état.

Détails aussi dans L’Express: Quand Benoit XVI revendiquait le droit à la démission.

** Ajout 12 février : Un spécialiste du droit canon nous explique : Le Père Cédric Burgun.

“Aux premiers temps de la chrétienté”, saison d’hiver 2013

C’est ce soir que ça recommence! Le Mardi 21h00 (en reprise le dimanche à 10h00) sur l’ensemble du réseau Radio Ville-Marie. Les trois premières émissions de la saison sont consacrées à la lecture de la Bible : Lire selon la chair et lire selon l’esprit. Pour les trois prochaines semaines, nous parlerons d’interprétation biblique telle qu’elle se pratiquait au premier siècle (jusqu’au troisième).

 

La question que nous nous posons est la suivante : Comment lisait-on l’Écriture (l’Ancien Testament des chrétiens) au sein des communautés juives du premier siècle de notre ère? Les rédacteurs des évangiles et l’apôtre Paul héritent de ces manières de lire. Des auteurs chrétiens anciens (Pères de l’Église) comme Origène et d’autres affirment que l’Écriture se lit de trois manières : Le sens littéral dresse la table, construit le récit, règle la syntaxe et s’occupe des choses corporelles. Un deuxième niveau de sens s’adresse à l’âme, lui révèle sa condition, lui suggère une manière de se conduire et l’appelle à l’éveil. Le troisième niveau ouvre le chemin du retour. Il enseigne à l’âme comment s’unir à l’Esprit et entrer à nouveau dans la maison du Père. Cela dit, Origène signale dès le troisième siècle que nombreux sont ceux qui, au sein de l’Église ne savent plus comment accéder aux trois niveaux de sens…

 

Dans la littérature juive rabbinique, notamment dans le Talmud, il existe une légende qui raconte que quatre grands rabbins sont entrées au Paradis… On y apprend que l’un d’eux, un mystérieux rabbin dont la Tradition ne veut plus prononcer le nom serait entré au Paradis et y aurait coupé les jeunes pousses. Le Paradis (PaRDeS) serait-il un mot code pour parler du monde de l’interprétation de l’Écriture?

 

PESHAT : le sens littéral du texte qui ne traite que du monde matériel et sensible. C’est le niveau où s’arrête la majorité.

REMEZ : l’allusion et l’insinuation qui se découvre au moyen de règles herméneutiques appliquées sur le texte.

DERASH : l’interprétation figurée, notamment la parabole, la légende, le proverbe à partir desquels on enseigne et tire une leçon une fois que des règles herméneutiques ont été appliquées au texte.

SOD : le Secret, qui consiste dans le niveau ésotérique, spirituel traitant de la métaphysique et de la révélation des réalités surnaturelles, secrètes et mystérieuses, de la relation entre l’âme et Dieu.

 

Si le sujet vous intéresse (en attendant mon livre…), vous pouvez lire certains de mes articles en ligne :

Le sommeil d’Adam dans deux traités de Nag Hammadi”, Études coptes X, Douzième journée d’études (Lyon, 19-21 mai 2005), A. BOUD’HORS et C. LOUIS (Eds.), Paris: De Boccard (Cahiers de la Bibliothèque copte 16, Collection De l’Université Marc-Bloch-Strasbourg), 2008, p. 249-257.

Sens corporel et sens spirituel de l’Écriture selon Origène et Marius Victorinus”, Scriptura, 10 (2008), p. 9-22.

 

Évangile de Judas : Traduction française en ligne

Pierre Cherix (Université de Genève) met en ligne sur son site COPTICA des ressources pour les coptisants.

Il nous offre aussi une traduction française, une édition du texte copte et une concordance de l’Évangile de Judas qui tient compte des nouveaux fragments (un PDF va s’ouvrir) : http://www.coptica.ch/Cherix-EvJudas.pdf.

Ma contribution parue en 2012 dans le volume En marge du canon aux Éditions du Cerf : “L’Évangile de Judas cinq ans après sa (re)découverte. Mise à jour et perspectives.”

Hymne sur la Nativité de St-Ephrem

Bienvenu aux auditeur de la série “Aux premiers temps de la chrétienté”

Durant l’émission de Noël à Radio Ville-Marie (diffusée le 25 décembre à 21h00 et en reprise dimanche le 30 à 10h00) il a été question d’un hymne de St-Éphrem :

1. Ce jour, mon Seigneur, a réjoui
Les rois, les prêtres et les prophètes,
Car leurs paroles en ce jour furent accomplies
Et devinrent toutes réalités.

Refrain : Gloire à toi, Fils de notre Créateur !

2. La Vierge a mis au monde aujourd’hui
L’Emmanuel en Bethléem ;
La parole dite par Isaïe
S’est aujourd’hui réalisée.

3. Il est né en ce lieu,
Celui qui dans un livre dénombre les peuples ;
Le psaume par David chanté,
Aujourd’hui s’est accompli.

4. La parole prononcée par Michée
Est devenue aujourd’hui réalité :
Un berger sort d’Éphrata,
Et son bâton guide les âmes.

5. Voici qu’une étoile se lève, issue de Jacob :
Un chef surgit d’Israël ;
La prophétie prononcée par Balaam
Trouve aujourd’hui son explication.

6. Elle est descendue, la lumière cachée ;
À traver un corps sa beauté s’est manifestée.
L’astre levant dont a parlé Zacharie
À Bethléem a brillé aujourd’hui.

7. Elle s’est manifestée, la lumière royale,
À Éphrata, la vie royale.
La bénédiction prononcée par Jacob
atteint aujourd’hui sa plénitude.

 

La suite se lit ici : Éphrem de Nisibe médite la Nativité du Sauveur

Cet hymne a été publiée dans Éphrem de Nisibe, Hymnes sur la Nativité, Sources Chrétiennes n° 459, Cerf, Paris 2001.

Évangile de Judas : Mise au point au sujet des nouveaux fragments

Depuis la mise en ligne de mon article L’Évangile de Judas cinq ans après sa (re)découverte. Mise à jour et perspectives, je reçois des courriels de lecteurs qui doutent de ce que je dis. Afin de vous rassurer, si cela est possible : Il n’y a pas de complot visant à censurer l’Évangile de Judas. Mon article n’a pas été commandé par les autorités religieuses et il ne s’agit pas de propagande religieuse et anti-scientifique. Je persiste et je signe (et svp, lisez mon article au complet, pas seulement l’introduction et la conclusion…) : Les volumes consacrés à l’Évangile de Judas publiés par la National Geographic Society et traduits dans de nombreuses langues l’ont été prématurément, avant que la communauté scientifique n’ait pu discuter du contenu (il n’y a pas eu d’examen par les pairs, ce qu’on appelle en anglais «peer review»). C’est très inhabituel que des livres de vulgarisation destinés au grand public paraissent avant les rapports scientifiques. Ce fut le cas avec l’Évangile de Judas. Je n’invente donc pas, ni ne donne une série d’«opinions» en «(gardant) le silence sur ce qui (me) gêne». Je donne des exemples précis de traductions qui me semblent nettement orientées en m’appuyant sur la sémantique et la syntaxe du copte (lisez l’article svp avant de me dire que j’invente tout et que je spécule). De plus, il y a effectivement des nouveaux fragments de l’Évangile de Judas qui ont fait surface et qui corrigent et rendent désuète l’interprétation initiale proposée par l’équipe qui a produit les premières traductions destinées au grand public. C’est super intéressant tout ça et je m’étonne que certains lecteurs aient des réserves à recevoir et à accepter ces nouvelles données, soupçonnant un complot des autorités religieuses et qu’ils tiennent mordicus à la version popularisée par la campagne médiatique et les publications de la National Geographic Society.

Je ne suis absolument pas le seul à le dire qu’il y a des nouveaux fragments. Ils sont accessibles (avec des images digitales) sur la page web de Gregor Wurst (Université d’Augsbourg), lui qui était de l’équipe initiale. Mais encore, un article scientifique paru dans la revue Early Christianity en 2009, signé par le trio Krosney, Meyer et Wurst (trois signataires de livres publiés à la National Geographic Society), en présente un rapport préliminaire :

H. Krosney, M. Meyer, G. Wurst, « Preliminary Report on New Fragments of Codex Tchacos » Early Christianity 1, 2010, p. 282-294.

Cet article n’est pas accessible gratuitement sur le web, mais si vous vous adressez à une bibliothèque universitaire, le personnel se fera un plaisirs de vous le rendre disponible. Je l’ai en format PDF, mais je ne me risque pas à le diffuser…

Une monographie en espagnol, recensée par Louis Painchaud dans le numéro 3-2012 de la Revue d’histoire des religions en propose une traduction. Ce même Louis Painchaud en a fait état à l’Académie des inscriptions et belles lettres le 13 mai 2011. Anna Van den Kerchove (Institut européen en sciences des religions) le signale sur son blog et renvoie à la page web de Gregor Wurst.

**En date du 6 janvier 2013 j’ajoute un lien vers la nouvelle traduction française de Pierre Cherix (Université de Genève) qui tient compte des nouveaux fragments (un PDF va s’ouvrir) : http://www.coptica.ch/Cherix-EvJudas.pdf.

J’ignore pourquoi le grand public n’est pas informé de ça.

Ce qui devrait nous étonner et qui devrait alimenter nos réflexions est plutôt le silence des médias concernant ces nouveaux fragments.

En souhaitant que la National Geographic consacre un numéro thématique aux nouveaux fragments. Mais peut-être que ça ne serait pas aussi vendeur ? La question se pose…

(article de mai 2012)

 

Radio Ville-Marie : Aux premiers temps de la chrétienté, hiver 2013

Serge Cazelais

C’est officiel : Vos deux co-animateurs favoris, Normand Cazelais et Serge Cazelais reviennent à Radio Ville-Marie pour la saison d’hiver 2013. Nous produirons donc une deuxième saison de votre série “Aux premiers temps de la chrétienté”. Plutôt que de poursuivre dans le temps, nous reprenons tout du début, en analysant des auteurs et des textes en profondeur.

Normand Cazelais

Rappellons que la série est diffusée le mardi soir à 21h00 et en reprise le dimanche à 10h00.

Mais ce n’est pas tout, nous avons des discussions sérieuses, presque un accord de principe si j’ose dire, avec un éditeur pour produire un livre tiré de la série d’automne 2012…

C’est à suivre!

Formation sur l’Évangile de Luc : Les prières.

Depuis le 3 octobre 2012 et jusqu’au 24 novembre 2012, la paroisse Sacré-Coeur d’Ottawa est heureuse d’accueillir le professeur Christian Dionne (Université St-Paul), spécialiste de l’oeuvre de Luc (Évangile et Actes). Le professeur Dionne donne ainsi aux paroissiens et au grand public cultivé une formation sur l’Évangile de Luc. Ce cours est le fruit d’une collaboration entre la paroisse Sacré-Coeur et le Centre de formation en pastorale et de spiritualité de l’Université St-Paul.

 

Au début de chaque séance, Micheline Laguë (professeure retraitée de l’Univeristé St-Paul) présente une introduction destinée à montrer que la Parole de Dieu est vie, vivante et à vivre. Elle conduit alors les étudiants vers l’intériorité et la réflexion. Pour ma part, j’ai le privilège de conclure chacune des séances dans une perspective d’intégration qui correspond aux objectifs du Centre de formation en pastorale et de spiritualité. Ainsi, chaque étudiant est invité à réfléchir sur la perspective humaine (ses sentiments, ses émotions face à la Parole de Dieu), intellectuelle (ce qu’il a appris de la Parole, comment ses idées se trouvent modifiées ou confirmées), pastorale (comment appliquer et mettre en pratique concrètement la Parole de Dieu) et spirituelle (comment vivre et célébrer notre relation avec Dieu à la lumière de la Parole). De plus, chacune des séances  se termine sur une prière. De nombreux étudiants et étudiantes me demandent d’imprimer les prières. Les voici en ligne :

https://sergecazelais.com/prieres/

 

Tout ça pour dire qu’un érudit, ça ne brasse pas que des vieux livres, ça ne pousse pas que des crayons; un érudit, ça prie aussi…

Parce qu’il n’y a pas de mal à se lancer des fleurs. Radio Ville-Marie – suite

Ça C’est cool! Une belle surprise dans le Devoir du 6 octobre 2012. Je cite :

 

«La formule : un animateur (Normand Cazelais) reçoit un savant (son cousin Serge Cazelais) et le questionne pour vulgariser une matière fascinante mais complexe. Le résultat : franchement intéressant»!

La suite sur le site web du Devoir :

http://www.ledevoir.com/societe/medias/360701/longueurs-d-ondes

Un papyrus copte qui mentionne l’épouse de Jésus?

 

(En date du 13 avril 2014, suite à la publication d’un dossier scientifique dans le Harvard Theological Review, j’ai écrit une mise à jour disponible ici.)

Karen King vient de présenter à la communauté scientifique un fragment de papyrus en copte qu’elle et quelques autres datent du 4e siècle. Le document attribue notamment à Jésus les mots «mon épouse» […] «elle sera en mesure d’être mon disciple». Le problème avec ça est qu’aucun critère ne permet de dater paléographiquement un papyrus copte avec autant de précision. L’analyse de l’encre au c14 n’est pas envisageable (à cause de la dimension du document – c’est trop petit ). Quelques collègues (notamment un des bons paléographes que je connaisse, un vrai spécialiste des manuscrits coptes, Alin Suciu) ont déjà émis de très grosses réserves quant à l’authenticité de cet artéfact. Ma première réaction lorsque j’ai vu la photo du papyrus est que ça semble bizzare et grossier comme écriture. À mon sens, il est prématuré de conclure quoi que ce soit. Quoi qu’il en soi, ça a fait les manchettes du NY Times

Je précise que ce qui me fait douter de l’affaire, ce ne sont pas des considérations doctrinales, ni parce que ça “ébranle la foi” ou que ça heurterait mes convictions. Le doute vient du fait que le papyrus, tel que vu dans les médias, comporte des anomalies importantes (voir mes ajouts en bas de la page et un lien vers la dite photo.)

 

Cela dit, le concept d’épouse du Christ est quelque chose de bien documentable dans la littérature spirituelle patristique. Mais ça ne signifie pas qu’il s’agisse d’un mariage dans le monde matériel, si je puis le dire ainsi. C’est comme le baiser sur la bouche que Jésus donne à Marie Madeleine dans l’Évangile de Philippe (un des pivot du Da Vinci Code et du livre Holy Blood and the Holy Grail). Ce baiser est le signe, ou le processus du transfert de l’Esprit et de la naissance spirituelle. On cite souvent en effet le logion 55 de l’Évangile de Philippe (les mots et les lettres entre crochets indiquent que l’éditeur les a restitués par une conjecture) :

(55) La Sagesse qu’on appelle « la stérile » est la mère [des] anges et [la] compagne du S[auveur].

[Quant à Ma]rie Ma[de]leine, le S[auveur l’aimait] plus que [tous] les disci[ples et il] l’embrassait sur la [bouche sou]vent. Le reste des [disciples]  [ . . ] . . . . . [ . ] . [ . . ] . . ils lui dirent : « Pourquoi l’aimes-tu plus que nous tous ? » Le Sauveur répondit et leur dit {   } « Pourquoi ne vous aimé-je pas comme elle ? »

Mais on mentionne beaucoup plus rarement ce qui vient avant dans le texte et qui constitue la clé herméneutique, les logia 30 et 31 (j’ajoute les caractères gras) :

(30) Tous ceux qui sont engendrés dans le monde c’est par la nature qu’ils sont engendrés, et les autres, c’est [d’où] ils sont engendrés qu’ils se nour[rissent]. L’homme, c’est de la [pro]messe qu’il re[çoit sa nourri]ture, en [vue du li]eu d’en haut. [S’il . . . . ] lui de la bouche – [d’où] provient la parole -, alors il serait nourri par (ce qui provient de) la bouche et il deviendrait parfait.

(31) En effet, les parfaits, c’est par un baiser qu’ils conçoivent et engendrent. C’est pourquoi nous aussi nous embrassons mutuellement et c’est par la grâce qui est en nous mutuellement que nous recevons la conception.

C’est une interprétation de la symbolique des noces dans le Cantique des cantiques («Qu’il me donne des baisers de sa bouche…») dont fait écho l’Apocalypse de Jean (les noces de l’Agneau) qui l’exprime littéralement : «L’Esprit et l’Épouse disent “Viens”» (Apocalypse 22.17). Nous (incluant les exégètes et les historiens) ne comprenons plus tellement bien ce langage qui exploite l’allégorie et la typologie. Mais c’est ainsi que les chrétiens s’exprimaient, ainsi que la branche rabbinique la plus mystique dans le judaïsme. J’ai un article sur ce sujet qui s’en va bientôt sous-presse “Husband and Wife as Spirit and Soul”. Je vous tiendrai au courant 😉

Marie Madeleine est à la mode, j’en avais déjà parlé abondamment ailleurs, notamment dans cette recension d’un livre qui lui avait été consacré en 2006.

****

 

– Ajouts (19 septembre 2012) : Sur la page facebook du Concordia Nag Hammadi Seminar, Louis Painchaud en appelle à la prudence et émet des réserves sur des bases paléographiques et papyrologiques. Il avait envoyé une lettre au site Jeunes et religions au Québec où on peut la lire : Épouse de Jésus : Prudence, dit un spécialiste (ajout du 27 nov 2016 : on me signale que cette lettre n’est plus en ligne).

 

– Je note que l’annonce a été faite au médias avant que la communauté scientifique n’ait pu examiner le papyrus (comme dans le cas de l’Évangile de Judas dont le contenu après coup s’est avéré être complètement différent de ce que la National Geographic et les médias avaient annoncé au public). On a pourtant prit soin de fournir une photo aux médias…

 

– Toujours sur facebook (18 septembre 2012, tard en fin de soirée), Brice Jones (candidat au Ph.D à l’U. Concordia) souligne quelques anomalies visibles sur la photo du papyrus.  Les lettres deviennent plus foncées à deux endroits bien précis. L’encre semble avoir “bavé” et le texte avoir été retouché exactement (quel hasard) où sont inscrits les mots «mon épouse» (taHime en copte) et «ma (naei en copte) disciple». Étrangement, les médias ne le disent pas et Karen King ne le signale pas dans ses travaux préliminaires. Or, une analyse paléographique qui se tient devrait en principe signaler un tel détail, surtout qu’il concerne les deux mots qui font couler de l’encre dans les médias et qui excitent les passions.

 

– Sur le blog d’April DeConick

Sur le blog de Marc Goodacre

– Alin Suciu : «I would say it’s a forgery. The script doesn’t look authentic» et de Stephen Emmel : «There’s something about this fragment in its appearance and also in the grammar of the Coptic that strikes me as being not completely convincing somehow».

En français sur cyberpresse : Un expert de l’Université Laval, à Québec, compte parmi ceux qui remettaient en question, mercredi, l’authenticité d’un fragment de papyrus du IVe siècle qui affirme que Jésus était marié.

 

Mise à jour 14 novembre 2013 : Larry Hurtado note que toujours rien n’a été publié

Série à Radio Ville-Marie

C’est commencé depuis deux semaines. Aux premiers temps de la chrétienté est diffusé le mardi à 21h00 et en reprise le dimanche à 10h00. Désolé de donner les détails en retard. Même le site web de Radio VM n’est pas à jour (il est à jour en date du 18 septembre et la programmation est ici en PDF), mais ça joue, je l’écoute en ce moment.

J’en parlais ici. J’ajoute quelques détails aussitôt que j’en ai.

Si vous avez des commentaires et questions, vous pouvez les laisser ici. Je vais vous lire et répondre au mieux et peut-être faire une page générale du genre faq si plusieurs questions reviennent souvent.

 

 

 

Dionysius en ligne

La revue Dionysius est désormais consultable en ligne grâce au “Dalhousie Open Journal Systems” de Dalhousie University. Le lien est le suivant :

http://ojs.library.dal.ca/dionysius/index

La revue Dionysius se spécialise en histoire de la philosophie et de la théologie antique avec une emphase sur l’histoire de l’aristotélisme et du néo-platonisme jusque dans ses manifestations médiévales et modernes.

Un de mes articles y est paru en 2011 :  “Prière, élévation spirituelle et connaissance de Dieu chez Marius Victorinus”

Vous pouvez le lire,  le télécharger et l’imprimer ici :

http://ojs.library.dal.ca/dionysius/article/view/dio29cazelais/2527