Un texte de Serge Cazelais avec la collaboration de Bibiane Bédard.
Il m’est arrivé souvent de ressentir un profond malaise en entendant le “Minuit, chrétiens”, ce chant qui fait désormais partie des mœurs et traditions du catholicisme populaire québécois lors de la messe de minuit. Ce chant parle en effet d’un «peuple à genoux» et d’un fils qui descend du ciel afin «d’apaiser le courroux» de son père afin d’effacer la «tache originelle». C’est tellement peu chrétien que tout ça, moi, ça m’a souvent dérangé, voire troublé au point où je refuse désormais, depuis de nombreuses années même, de chanter ce cantique qui est en totale discordance avec ma foi. En discutant de la chose avec mon amie Bibiane, celle-ci me confie que son père qui était fervent catholique, et maître-chantre à l’église de son enfance avait souvent manifesté de grandes réserves à l’endroit de ce chant.
Pas plus tard qu’hier, dans la soirée de Noël 2015, une personne me questionne au sujet de l’expression «peuple à genoux», troublé, voire même choqué que la doctrine chrétienne formate ainsi les esprits avec de telles croyances.
Il n’en fallait pas plus pour que je me décide à mener une petite enquête qui m’a révélé des choses forts intéressantes et très rassurantes! La première de ces découvertes est que le diocèse catholique de Québec recommande désormais à ses paroisses d’éviter le “Minuit, chrétiens” qui contient des paroles qui sont contraires à la foi chrétienne! Je cite (j’ajoute les caractères gras) :
«On ne peut pas, en pleine Année de la foi, et malgré le caractère émotif que porte ce chant, chanter « de son Père apaiser le courroux » : on dit le contraire de la foi chrétienne ! Le Fils ne s’est pas incarné en raison du courroux du Père, mais en raison de l’amour éternel qui a poussé le Père à faire apparaître une créature avec laquelle il pourrait être en Alliance et, un jour, venir à sa rencontre. Ce désir d’Alliance de toute éternité est totalement incompatible avec l’idée que le Fils soit venu pour « régler un problème » qui mettait le Père en colère!» (source : Suggestions d aménagements liturgiques…de Noël, à partir de la page 17) [lire en ligne].
Notre enquête s’est poursuivie et nous a menée à une découverte encore plus étonnante! Dans une lettre datée du 14 décembre 1933, l’Archevêque de Québec, Mgr Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve, un oblat promu au rang de Cardinal, formulait ainsi ses réserves à l’endroit de ce qui était devenu un classique de Noël, je reproduis un extrait de sa lettre, je mets certaines sections en caractères gras :
«A l’approche de Noël, le chant du “Minuit, chrétiens” recommence à provoquer des controverses. Autant en raison des exigences de la musique religieuse que par souci de doctrine et de convenance liturgique, l’Archevêque se réjouit qu’en plusieurs endroits on l’ait abandonné, et il souhaite que sa disparition se généralise. Le texte en est incontestablement d’une théologie douteuse et toute la composition d’une origine pour le moins quelconque. On pourra sans désavantage le remplacer par quelque autre ancien cantique de Noël, par exemple, celui “Les Anges dans nos campagnes”, dont le refrain, quelle qu’en soit la valeur artistique, est une pieuse exclamation tirée du saint Evangile (Luc, II, 14) et qui convient plutôt à l’inauguration du joyeux temps de Noël.
En tout cas, il ne sera permis à personne de se réclamer de l’autorité de l’Archevêque de Québec, comme on l’a fait l’an dernier, pour préconiser la valeur du “Minuit, chrétiens” d’Adolphe Adam.» (source : Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec, vol 14, p. 239-240)
Sur internet, on pourra trouver d’autres détails, notamment concernant les allégeances maçonniques et païennes de l’auteur des paroles originales du “Minuit, chrétiens” dont le message serait en fait la proposition d’un programme social et politique. Ce sujet m’importe peu, je le laisse à votre bon jugement!
Terminons simplement avec ceci, le diocèse de Québec suggère de remplacer les paroles originales du chant par cette révision de Renaat Van Hove, là où pour des raisons culturelles, sans liens avec la foi, on tient à conserver l’air. Les paroles de Van Hove ont le mérite de s’inscrire dans la Tradition :
Minuit, chrétiens, au coeur de notre histoire
le Fils de Dieu vient renaître chez nous
Pour partager les fruits de sa victoire
et de son Père annoncer tout l’amour.
Le monde entier tressaille d’espérance
en cette nuit qui lui donne un Sauveur.
Peuple de Dieu, reçois ta délivrance.
Noël ! Noël ! Voici le Rédempteur !
Noël ! Noël ! Voici le Rédempteur !
Un nouveau-né couché dans la mangeoire,
c’est la nouvelle annoncée aux bergers.
Les choeurs des cieux de Dieu chantent la gloire
et sur la terre la joie d’être aimé.
Chantons, joyeux, notre reconnaissance
pour cette nuit qui nous donne un Sauveur.
Peuple, debout ! Chante ta délivrance.
Noël ! Noël ! Chantons le Rédempteur !
Noël ! Noël ! Chantons le Rédempteur !
9 Responses to ““Minuit, Chrétiens”, un chant chrétien?”
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Bonsoir Serge
Toujours heureux de te lire et de voir le point de vue d’un chercheur authentique…Je suis certain que si un jour tu trouves une erreur dans ce que tu nous disait jadis…tu l’avouera et tu nous donneras ton nouveau point de vue.
Ou on peut-on entendre cette version de Minuit chrétiens.
Merci pour nous faire profiter de tes recherches.
VE2 LOM ( Michel L.)
La source de cette version du “Minuit, chrétiens” est le diocèse catholique de Québec. Le lien pour télécharger le PDF est : http://beta.ecdq.org/wp-content/uploads/2012/12/Minuit-chrétiens-Van-Hove.pdf
Comme il ne s’agit que d’une recommandation, les paroisses peuvent ou non l’adopter.
C’est effectivement cette phrase qui crée le malaise; parce qu’elle stipule que l’on naît en ayant péché et que l’on aurait besoin d’une correction par une certaine Justice (courroux) :
« Pour effacer la tache originelle et de son père arrêter le courroux »
Pourtant, on sait que les bébés n’ont pas commis de fautes. Plus loin, semble être expliqué en quoi « cette tache originelle » consiste :
« Le Roi des Rois naît dans une humble crèche,
Puissants du jour fiers de votre grandeur,
A votre orgueil c’est de là qu’un Dieu prêche,
Courbez vos fronts devant le Rédempteur ! »
C’est donc l’orgueil qui entacherait l’âme et l’empêcherait de retrouver la Miséricorde du Père. (Cela corrobore ce que la Bible en dit.)
Mais, pour tous ceux qui sont déjà dans la Miséricorde du Père (dits « chrétiens »), cela ne serait pas un problème…
N’est-ce pas. 😉
Bonjour Monsieur Cazelais,
J’attends bien sûr avec patience et intérêt votre texte scientifique (sur le réseau Orandia).
Mais surtout, comme c’est la fin des temps de 2015 et que nous seront bientôt confrontés à ceux de 2016, qui seront probablement liés aux grandes décisions (ou découvertes dirait-on), j’aimerais partager cet ancien topo mémorable : 30 minutes de pur délire, juste pour le plaisir..
http://www.tagtele.com/videos/voir/144205/
à la bonne vôtre et à celle de tous vos lecteurs,
Nicole
Absolument génial cet épisode de Jinny!
Bonjour Serge,
C’est effectivement un problème, mais peut-être pas aussi grave que le « Notre Père » qui supplie Dieu de « ne pas nous soumettre à la tentation » !
Car celui qui soumet à la tentation, c’est Satan…
Très heureuse année 2016 à toi et à tes lecteurs,
Madeleine
Effectivement et la nouvelle Bible de la liturgie catholique corrige cette traduction.
Hellllo,
Mt6.7 Quand vous priez, ne rabâchez pas comme les païens; ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer.
Mt6.8 Ne leur ressemblez donc pas, car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez.
Mt6.9 Vous donc, priez ainsi: Notre Père qui es aux cieux, fais connaître à tous qui tu es,
Mt6.10 fais venir ton Règne, fais se réaliser ta volonté sur la terre à l’image du ciel.
Mt6.11 Donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin,
Mt6.12 pardonne-nous nos torts envers toi, comme nous-mêmes nous avons pardonné à ceux qui avaient des torts envers nous,
Mt6.13 et ne nous conduis pas dans la tentation, mais délivre-nous du Tentateur.
(Bible TOB)
Mt 6:7- » Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter.
Mt 6:8- N’allez pas faire comme eux ; car votre Père sait bien ce qu’il vous faut, avant que vous le lui demandiez.
Mt 6:9- » Vous donc, priez ainsi : Notre Père qui es dans les cieux, que ton Nom soit sanctifié,
Mt 6:10- que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Mt 6:11- Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien.
Mt 6:12- Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs.
Mt 6:13- Et ne nous soumets pas à la tentation ; mais délivre-nous du Mauvais.
(Bible de Jérusalem)
Perso, TOB ou Jérusalem me conviennent parfaitement, à moins que je n’aie pas les bonnes versions? 🙂
Et là je pense à ce cher Job…entre autres.
Une négation reste une négation.
Courage, Serge !
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Et l’un d’eux, un légiste, lui demanda pour lui tendre un piège:
«Maître, quel est le grand commandement dans la Loi»?
Jésus lui déclara: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est là le grand, le 1er commandement.
Un second est aussi important: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
De ces 2 commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes».
Comme les Pharisiens se trouvaient réunis, Jésus leur posa cette question:
Quelle est votre opinion au sujet du Messie? De qui est-il fils»? Ils lui répondent: «De David».
Jésus leur dit: «Comment donc David, inspiré par l’Esprit, l’appelle-t-il Seigneur, en disant:
Le Seigneur a dit à mon Seigneur: siège à ma droite jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis sous tes pieds?
Si donc David l’appelle Seigneur, comment est-il son fils»?
Personne ne fut capable de lui répondre un mot. Et, depuis ce jour-là, nul n’osa plus l’interroger.
(Mathieu 22, 35-46)