Déc 142016
 

Et si j’avais une sœur, un fils ou un cousin qui menaient des vies qui ne sont pas conformes à mes principes, à mes idéaux? Partageraient-ils ma table à Noël? Portrait d’une sainte famille :

La généalogie qui ouvre l’évangile selon Matthieu ne constitue pas un élément banal. Elle s’ouvre par les mots suivants : « Livre des origines de Jésus Christ » (Mt 1, 1) en écho à Genèse 5, 1 qui présente la même expression en grec ancien (biblos geneseôs, traduisant l’expression en hébreu ze sefer ṯoldoṯ). En appliquant certaines règles herméneutiques qui étaient celles du judaïsme à l’époque de Jésus, nous serait-il permis de lire que la naissance de Jésus inaugure celle d’une toute nouvelle humanité?

Portons ainsi notre attention sur certains noms mentionnés dans cette généalogie, les noms de quatre femmes : Thamar (Mt 1, 3), Rahab et Ruth (Mt 1, 5), et une autre qu’on désigne sous le nom de “femme d’Urie” (Mt 1, 6). Celles-ci, chacune à sa façon, ont connu un destin bouleversant.

La première, Thamar, épousa un fils du patriarche Juda qui décéda, puis, suivant la coutume de l’époque épousa le frère du premier qui décéda à son tour. Celle-ci demeurant sans enfants avait été promise au troisième frère, mais voyant que cette promesse tardait à se réaliser, elle décida de se vêtir en courtisane et de séduire son beau-père afin d’enfanter une descendance. (Gn 38, 13-26).

La seconde, Rahab, était une prostituée de la ville de Jéricho qui porta assistance et cacha deux hommes qui avaient été envoyés par Josué (Josué 2, 1). Elle devint la mère d’un certain Booz qui épousa la troisième femme mentionnée dans la généalogie de Jésus. Celle-ci se nomme Ruth et elle avait le statu d’étrangère en Israël de par ses origines moabites (Ruth 1, 4).

La quatrième femme de cette généalogie n’est pas désigné par son nom par l’évangéliste, mais plutôt en référence au nom de son époux, Urie, un hittite. Le roi David l’ayant fait venir à sa chambre et celle-ci s’étant trouvée enceinte, le roi organisa un moyen de faire mourir Urie. Cette histoire scandaleuse est racontée en 2 Sam 11. Ce premier enfant ne survécu pas, mais l’union de David et de Bethsabée donna naissance à celui qui deviendra le roi Salomon (2 Sam 12, 24)

Cette généalogie, nous fait voir que le Messie d’Israël est né au sein d’une famille qui compte dans son histoire un certain nombre d’unions irrégulières, pour ce qui est des lois, us et coutumes de l’époque. Se pose alors la question suivante : Pourquoi ne pas avoir enjolivé cette histoire en la remaniant et en retranchant ces épisodes troublants? Une certaine culture populaire est en effet convaincue que le texte biblique a subit au cours des âges un certains nombre de censures destinées à le rendre plus acceptable aux oreilles des fidèles. Mais le texte est tel qu’il est et nous ne le changerons pas. Serait-ce au fond que le véritable sens de « sainte famille » se trouve révélé en filigrane au sein de cette généalogie? Et moi? Ma famille? En quoi constitue-t-elle le reflet de cet idéal de sainteté?

Que fais-je alors avec mes proches? Dois-je les recevoir à Noël? Ai-je, volontairement ou non négligé d’inviter l’un, ou l’une ou l’autre à cause d’événements qui se sont produits dans leur passé, ou bien à causes de circonstances présentes, ou parce que telle cousine a un ami d’une origine ethnique, ou d’une tradition religieuse qui n’est pas celle du reste de la famille? Je me suis ainsi engagé pour ma part à prendre ce beau risque, celui de changer mes habitudes et de faire une rencontre. J’ai lu aussi que Dieu est amour (1 Jn 4, 8) et qu’il ne fait pas de discrimination (Ac 10, 34-36) et qu’il peut même faire surgir des fils d’Abraham d’une simple pierre (Mt 3, 9). Combien plus alors d’une sœur, d’un cousin mal aimé ou de quiconque à qui je pense et qui viendra partager ma table à Noël. Je m’offre ce cadeau à Noël qui consiste à dire oui à cette attitude, à dire oui à cette nouvelle humanité qui forme une fraternité au sein de laquelle nous sommes des frères et des soeur du Christ et en Christ.

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Pour aller plus loin, ces deux magnifiques ouvrages de mon ami Michel Dujarier :

Église – Fraternité, tome 1 : L’Église s’appelle « Fraternité », Paris: Éditions du Cerf, 2013.

Église – Fraternité, tome 2: L’Église est « Fraternité en Christ », Paris: Éditions du Cerf, 2016.

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Merci encore à Gilles Marleau pour ses corrections et suggestions.

  One Response to “L’Avent, un messie et une sainte famille”

  1. L’erreur principale est le jugement, voulu ou pas, négatif ou positif, de soi et des autres (non pas la simple définition d’un état).
    La notion de « péché » en tant que tel doit être comprise comme d’un acte ou une pensée contraire à sa propre concience. Autrement dit, dans l’Absolu, un acte sera retenu comme étant « péché » pour l’un et pas pour l’autre. L’Innocence est un état de Grâce..

    Le « péché originel » est définitivement celui expliqué par l’image d’Adam et Ève : qui ont mangé de « l’arbre de la Connaissance du bien et du mal », alors que cela leur était interdit, n’étant pas Dieu (ni des anges).
    Par le fait même, une grand confusion est née et la connaissance des lois de cet univers leur sont apparues pêle-mêle. Depuis, il est impossible pour l’être humain de faire comme si sa condition dégradée n’en découlait pas…
    C’est dans ce contexte, et bien plus tard, qu’on retrouve le fameux décalogue (dix commandements), dicté pour éviter à l’être humain de trop s’égarer.

    Car, même si aucun acte n’est compté aux ingénus/ues** comme d’un péché, certains feront diminuer et perdre éventuellement la Grâce accordée à l’innocence, depuis que l’Homme a reçu la possibilité de « juger de tout par lui-même », tout en en étant forcément incapable…

    ** essentiellement les enfants mais pas seulement

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    (…)
    L’apôtre Philippe dit : Joseph le charpentier planta un jardin parce qu’il avait besoin de bois pour son métier. C’est lui qui fabriqua la croix avec les arbres qu’il avait plantés. Et sa semence était suspendue à ce qu’il avait planté. Sa semence, c’était Jésus et ce qu’il avait planté, c’était la croix.

    Mais l’arbre de la vie était dans le milieu du paradis et c’est par le truchement de l’olivier dont provient le chrême qu’advient la résurrection.

    (…)
    C’est là que se trouve l’arbre de la connaissance. Celui-là a tué Adam, ici au contraire, l’arbre de la connaissance a vivifié l’homme. La loi, c’était l’arbre. Elle a la propriété de donner la connaissance du bien et du mal. Elle n’a pu ni arracher (Adam) au mal ni l’établir dans le bien, mais elle fit la mort de ceux qui en mangèrent, car lorsqu’on a dit « Mange ceci, ne mange pas cela » ce fut le commencement de la mort.

    (écrits des premiers chrétiens)

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